Qu’est ce qui se cache derrière la flemme de faire l’amour ? Un sujet sensible et complexe dont Nathalie Giraud-Desforges, sexothérapeute aborde les enjeux avec lesrdvdemilie by Wengood
Qu’est ce que cette « flemme » ?
La flemme est un terme qui désigne un ensemble de ressentis, de sensations un peu diffuses, qui ne sont généralement pas vraiment nommés ni explicités. "On n'a pas envie" de faire l'amour, un point c'est tout. Il n'y a plus d'excitation. La personne ressent comme une lassitude, une fatigue à s'engager dans une activité, en particulier pour avoir des relations sexuelles. Ce n'est pas un manque de désir sexuel, c’est plutôt une sorte de petite sonnette d'alarme qui semble dire « attention si tu t'engages là-dedans, ça va prendre du temps et de l’énergie, as-tu vraiment la capacité et la disponibilité émotionnelle, psychologique et physique pour t'engager dans cette activité ? » Et là, la réponse est non !
La sexualité est-elle une charge mentale ?
La sexualité devrait être une activité agréable, douce, de détente; une activité de rencontre, mais elle peut aussi se transformer en une tâche de plus à accomplir. Dans ce cas, avoir des rapports sexuels devient un engagement, une charge sur les épaules à la fois au plan physique et mental. C’est une activité qui s’ajoute dans une to-do liste déjà bien chargée !
De nos jours, avec les réseaux sociaux, on lit ce qu’il faut faire pour être de bons parents, de bons amants, de bons partenaires de vie et être épanouis. C'est comme si le droit à l’erreur n'existait plus.
La charge mentale autour de cette activité peut être très lourde, enfermante, stressante pour ceux et celles qui veulent bien faire. Tous les couples peuvent être impactés aussi bien les hommes que les femmes, hétéros ou gay/ lesbien.
Par exemple pour une femme, faire l’amour peut devenir lourd si elle pense à une liste à faire, l’obligation de contraception, de s’épiler, être belle, disponible, bienveillante tout en ayant géré son quotidien, ses enfants et son travail. Dans ce cas, faire l’amour devient un poids à endosser qui vient rajouter de la charge dans une vie déjà remplie alors que l'aspiration est à la détente, à la légèreté et à la spontanéité, voire juste de penser à soi.
Comment la charge mentale affecte-t-elle la sexualité ?
On fait l’amour pour de nombreuses raisons. Parfois, c’est pour que l'autre ne me quitte pas, pour être un.e bon.ne époux.se, un.e bon.ne amant.e, pour satisfaire les besoins de l’autre etc. Dans ces cas là, faire l’amour n’est ni joyeux ni spontané, c'est souvent vécu comme une obligation avec un enjeu derrière.
Souvent, le partenaire confronté au non désir de sa partenaire, et qui souhaite aider au tâches quotidiennes rajoute de la charge mentale en disant « mais dit moi ce que je dois faire ». Se positionnant ainsi en enfant soumis aux défis d’une maman débordée. Non seulement ça rajoute une charge mentale car il faut organiser l’aide mais surtout ce n’est pas sexy du tout !
À quel moment a-t-on sorti le sexe de la "tout doux " liste pour l'inscrire dans celle des to-do?
En fait, cette situation a toujours existé. Ce peut être un moyen de garder l'autre dans un état de dépendance dans lequel le sexe est la monnaie d'échange contre la sécurité par exemple.
Aujourd’hui on y ajoute un poids supplémentaire avec le devoir de bien faire.
Nous sommes bombardés de messages tels que « comment lui donner 10 orgasmes ? », « Comment être une amante parfaite ou un parfait amant ?» etc.
Les normes sexuelles ont évolué et les injonctions sont si nombreuses que ceux et celles qui souhaitent atteindre la perfection font l’amour avec leur tête plus qu’avec leur corps et s’épuisent.
Alors que faire l’amour est aussi une rencontre énergétique qui permet de retrouver de l’énergie sans trop en dépenser, un "plug-in"pour se ressourcer, une activité "ré-créatrice" et récréative.
Alors bien sûr, vous pouvez décider de lire un petit guide sexuel pour "performer" encore plus ou bien d'y butiner quelques idées pour vous réjouir ensemble d'une façon ludique et sans prise de tête...
Arrêtez de vous culpabiliser !
Si pour vous le sexe est vu comme une obligation, si vous n’avez pas envie de faire l’amour, il est probable que vous allez culpabiliser. Vous vous rendez responsable de la situation.
Une des clefs pour sortir de ce cycle est de vous poser tous les deux et de réfléchir ensemble à votre vie sexuelle, de quoi vous avez besoin pour retrouver l'envie.
Est-ce qu'un câlin, un baiser sur la bouche ça entretient la flamme ou est-ce qu'au contraire ça génère des frustrations ? Avez-vous des envies érotiques dont vous n'osez pas parler?
L’important est d’aborder le sujet ensemble. Dire ce que l’on aime, ou pas, ce dont on a besoin, envie. C’est mettre de la conscience dans les habitudes du couple. Voir si le sexe est devenu une monnaie d’échange ou s’il est libre de rétribution.
Pratiquez le plug-in
Une autre solution est de pratiquer le "plug-in". C’est à dire de se détendre dans les bras de l'autre en position cuillère et en pénétration. Sans bouger. Il n’y a aucun mouvement de va-et-vient. Il n’y a pas de volonté d'avoir une satisfaction sexuelle mais juste une connexion par les deux sexes. On peut sentir les petits mouvements des périnée de part et d'autres comme un dialogue de périnée. Le plug-in recharge en énergie et c’est d’ailleurs une belle pratique tantrique.
Bien entendu le consentement de chacun est indispensable. Je vous conseille un super article de Renée Greusard qui en parle très bien avec des petites vidéos que je conseille très souvent.
Posez un temps à accorder au sexe
Souvent quand on s'engage dans la sexualité, il n’y a pas de cadre : on sait quand on commence mais rarement quand ça va se terminer ou alors c'est dans « cinq-minutes-top-chrono » et ça ne va pas non plus. Imaginons que vous posiez ensemble un laps de temps de manière explicite entendue, consentie et mutualisée. Le mental peut se calmer et du coup, le corps est beaucoup plus détendu et disponible.
C'est par exemple le même cadre à appliquer pour un massage avec une bougie de massage sans but sexuel ni réciprocité.
Voilà une piste pour une sexualité joyeuse, décloisonnée, inclusive et libératrice.
Prendre du temps pour soi
Il est important de s’organiser du temps pour soi aussi. Pourquoi ne pas le noter dans votre agenda ? Non pas du temps pour faire quelque chose mais du temps pour se ressourcer et se détendre. La nature est source de détente pour la majorité des personnes alors pourquoi pas une marche, se baigner, avoir une activité physique au grand air, ou juste faire une sieste au soleil ? Prendre du temps pour soi permet aussi de prendre du recul, de se recentrer sur l'essentiel et de prendre de bonnes décisions.
Se remettre à jouer
Et si vous confectionniez un repas à quatre mains ? Choisissez un menu suggestif, pourquoi pas en suivant mes conseils pour marier nourriture et sexualité.
C'est aussi super sympa faire une tarte ensemble en mettant les mains dans la farine tous les deux, à jouer à se mettre de la farine sur le nez et retrouver un peu le goût du jeu.
MAIS si à toutes mes suggestions vous avez pensé "j’ai pas le temps, ça va me donner encore plus de ménage ou c’est trop compliqué à organiser"… alors c’est que la flemme de faire l’amour est bien là ou bien une lassitude et un poids beaucoup plus lourd ...
Si vous souhaitez retrouver la légèreté, du jeu, de la joie, du plaisir dans votre couple, pourquoi ne pas en discuter avec une sexothérapeute?
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