La pratique du BDSM: c’est quoi? Pour qui? Comment? Nathalie Giraud-Desforges, sexothérapeute nous dit tout. Une interview d'Emilie pour les RDV d'Émilie, la chaine Youtube.
Si la pratique du BDSM compte beaucoup d’initié.es, elle reste néanmoins éloignée des relations sexuelles conventionnelles et demeure donc méconnue pour beaucoup, fantasmée par certains et jugée sévèrement par d’autres.
Qu’est ce que le BDSM?
Le BDSM est un acronyme pour Bondage et discipline, Domination et soumission, Sadisme et Masochisme. C’est une pratique sexuelle qui sort du cadre d’une sexualité traditionnelle.
C'est la pratique de la discipline du bondage donc des liens, de l'entrave avec un prisme de domination/ soumission. Quant au sadomasochisme, c'est aimer recevoir ou d'avoir un contrôle sur la douleur et aimer aller dans l'exercice de la douleur. La douleur ayant des niveaux extrêmement variés, cette pratique a des règles très strictes qui peuvent rassurer et qui sont nécessaires pour assurer un cadre et donc une sécurité.
Des pratiques très codifiées
La pratique du BDSM est très codifiée et comporte des rituels et une communication intense entre la personne qui reçoit et la personne qui donne. Il y a un échange très précis entre les participant.es qui comporte par exemple des mots-clés ou des postures qui veulent dire « stop ». Cela peut sembler assez incongru mais le BDSM se pratique sur le fil rouge du consentement. En effet, s’il n'y a pas de consentement on ne peut pas rentrer dans cette pratique. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la personne qui a le contrôle, c'est en fait, la personne qui décide de se mettre dans le rôle du ou de la soumise.
Le BDSM exige une bonne communication
Dans Cinquante nuances de Grey, les relations entre les deux protagonistes commencent par un contrat qui est négocié et signé. Y sont exposées des règles de pratique très détaillées. Ce pourrait être extrêmement utile à mettre en place au sein de n’importe quel couple. Mettre un peu plus de communication sur ce que j’aime, sur ce que je n'aime pas, quelles sont les zones de mon corps qui peuvent être touchées ou non, est-ce que je suis d'accord pour faire ça, etc. offrent une confiance dans la possibilité que non seulement le ou la partenaire écoute mais aussi prend en compte la demande.
Cette communication verbale de "safe words" et non verbales dans les "stop ou go"est absolument essentielle pour rentrer dans des pratiques dans lesquelles vous pouvez être entravé.e et / ou baillonné.e car vous n'avez pas la possibilité de vous défendre physiquement.
Souvent dans les couples on observe qu'il n'y a pas de négociation sur ces thèmes. Ce n’est jamais abordé. C’est censé être inné parce qu'on s’aime…
Ce que j'apprécie dans ces protocoles, c'est que cela donne des bases sur lesquels peuvent évoluer les désirs. Ce qu'on voit d’ailleurs dans Cinquante nuances de Grey et je trouve ça très sain comme approche.
Le BDSM est il une pratique sexuelle « normale »?
Le BDSM est une pratique assez éloigné de la sexualité conventionnelle. Il est inscrit au catalogue des perversions depuis des années 1800. Ces pratiques sont considérées comme des névroses qui peuvent être soignées.
Mais pour moi, tout est question, à nouveau, de consentement. Chez Sade, par exemple, on voit bien qu’il n’y a ni consentement ni accord de ses victimes. On a juste un sadique qui utilise ses victimes à ses fins propres. Il ne dit pas à la personne ce qu'il va faire, il l'utilise uniquement à ses fins personnelle sans se soucier de son intérêt physique, morale ou psychique. C'est par essence une perversion, des conduites considérées comme « déviantes » par rapport aux règles et croyances morales. Cela relève de la pathologie et non du BDSM.
Qu'est-ce qui pousse certaines personnes à se lancer dans le BDSM?
Être dans une position de soumis.e avec la confiance et le consentement permet d’expérimenter le lâcher-prise. Quand il y a de beaucoup de contrôle en soi, s’abandonner à l’autre "le surrender" peut être grisant pour rentrer dans un "sub space".
Souvent à l'extérieur du couple, dans la vie professionnelle, l’un des deux a des fonctions de pouvoir, de gestion. Et dans le BDSM, grâce au cadre, apparaît une possibilité d'inverser les rôles et de se laisser aller. C’est une voie pour jouir sans entrave et donc ça peut faire beaucoup de bien dans le couple lorsque les règles sont connues et établies d’avance.
Souvent aussi ça parle du désir de rentrer dans une polarité différente, d’un besoin de se laisser aller plutôt que de prendre soin de l’autre dans la sexualité aussi. Cela peut permettre de débloquer des problématiques qui nous sont inconfortable et qu'on a envie de changer.
Comment faire s’il y a une pratique qui vous intéresse mais vous n'êtes pas sûr.e que votre partenaire soit intéressé.e?
Le truc c’est de dire « Je suis tombé.e par hasard sur un podcast…. J’ai lu un article qui parle de ça et ça m’interpelle. Qu'est-ce que tu en penses ?» Bref, prenez la température pour voir si c'est tiède, si c'est prêt à frémir ou si c’est un froid glacial que vous rencontrez. Encore une fois, la clé c'est d'en parler.
Féminisme et BDSM sont-il compatible?
Le féminisme pose un cadre et des limites sur ce qui est possible entre deux êtres qui se respectent. Le BDSM n'est que cadre, négociations et confiance. Pour moi le féminisme et le BDSM se retrouvent sur ce chemin. Une féministe se bat pour ses droits, pour aller vers son désir et elle ose explorer ses facettes. Le BDSM peut en être une.
À quel moment la pratique BDSM peut-elle devenir problématique ?
Rentrer dans le BDSM pour faire plaisir à son ou sa partenaire peut être problématique car ce n'est plus votre désir qui est à l’initiative de la pratique, c’est un désir d'être aimé.e. C’est une sur-adaptation.
J’ai eu en consultation des couples, surtout après Cinquante nuances de Grey qui se sont lancés dans le bondage. Lui en avait retiré beaucoup de plaisir, et elle avait détesté. Du coup, il y avait un décalage entre le désir de l’un et de l’autre. Mais elle n'osait pas en parler. Elle pensait qu'il comprendrait. Elle avait peur de ne plus être aimée si elle disait non.
Parfois les gens arrivent avec des bleus physiques mais aussi des bleus à l’âme. Et ça peut amener en thérapie parce que ça vient réactiver des souvenirs voir des abus sexuels. Donc attention ! D'autant que ça peut aussi briser la confiance au sein du couple .
Comment faire si mon ou ma partenaire ne veut pas me suivre dans cette pratique ?
Là il va falloir apprendre à gérer la frustration! Et s’interroger sur cette frustration. Que dit-elle de moi? Qu’est ce qui me frustre vraiment? Mais parfois aussi, il est possible d’en discuter au sein du couple. Quand il y a communication, la frustration est plus facile à accueillir.
Quelles sont les premiers conseils qu'on peut donner à un couple qui veut se lancer dans le BDSM?
Pour moi en premier c'est la communication et le contrat de confiance entre les deux personnes. Mais j’interroge toujours pour savoir de qui vient la demande et quelles sont les attentes pour savoir ce qui est activé dans le couple autour de ce thème.
Photos Credit : Ressan pour son livre "Paris Libertin" et HWG
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